Mon père utilise la commande manuelle, prévient un voisin et, décidé à m’amener à l’heure chez le dentiste, repart avec moi. Nous sortons de notre quartier et arrivons sur la vallée Terride, une grande avenue piétonne bordée de boutiques et envahie par une foule de badauds. Au centre de l’avenue coule une rivière bordée d’arbres. Loin au dessus de nos têtes, le soleil artificiel se couche : les projecteurs s’éteignent doucement en ce début de soirée. Nous arrivons devant l’ascenseur qui conduit à l’étage des tapis roulants. Stupeur ! l’ascenseur ne fonctionne pas ! "C’est pas mon jour", grogne mon père. Nous prenons un autre ascenseur, qui ne fonctionne pas non plus ! Un attroupement se forme alors que l’ascenseur refuse toujours de partir. Un agent appelle le service d’entretien.

Obstiné, mon père m’entraîne sur l’avenue. "Ce n’est pas très loin." Moi, je me sens mal, et j’ai bien de la peine à le suivre. "J’ai mal à la tête, papa"

"Non, Ikce, il n’y a pas de mal à la tête qui tienne. Même si je dois te porter, tu iras chez le dentiste".

Dix minutes plus tard, nous sommes dans la salle d’attente.Le docteur a pris un autre patient. Mon père est plongé dans la perplexité : la porte de l’appartement, l’ascenseur, la sonnerie du dentiste... trop de choses sont tombées en panne en trop peu de temps. Il m’interroge : "C’est déjà arrivé que des objets tombent en panne autours de toi, à des moments où ça t’arrangeait bien ?"

... Je réfléchis un instant... "Non, jamais, pourquoi tu demandes ça ?". Il ne répond pas. Le dentiste vient me chercher pour la séance de torture. Je m’assied sur le siège en regardant les nombreux outils posés de part et d’autre. Le docteur s’approche de moi. Je me tasse au fond du siège et ferme les yeux... et plus rien. Mon père m’a raconté que j’étais tombé inconscient alors que la plupart des instruments du dentiste étaient tombés en panne. Alors, il m’a ramené à la maison, et j’ai passé près de douze heures dans un état fiévreux.

"Alors, tu peux faire tomber en panne toutes les machines ?" demande Réal.

"Non, pas vraiment, ça ne marche que sur les appareils de faible puissance comme une serrure électronique, le bouton d’appel d’un ascenseur ou la sonnerie d’un appartement."

"Woaw ! Et sur les interrupteurs des épées, des exo-squelettes et des écrans ?"

"Justement, j’ai remarqué que ça ne marche jamais en situation de combat. A chaque fois, c’est comme si mon pouvoir n’avait jamais existé."

"Dommage, dit Akim. Pour moi, c’est un peu la même chose : j’ai beaucoup de mal à entendre le chant de l’eau si quelqu’un s’y oppose. En particulier, si un adversaire est embusqué, je ne pourrais pas le détecter à l’aide de mon pouvoir. J’ai remarqué ça durant ma formation de sentinelle."

Après quelques commentaires, tous se tournent vers Julie.

"Non, les gars, je ne vous parlerai pas de mon pouvoir. Tout ce que je veux bien vous dire, c’est qu’il n’est pas souvent utile et qu’il faut beaucoup de temps pour le déclencher. J’aurai tout le loisir de vous expliquer de ce dont il s’agit le jour où je devrai m’en servir."

Au ras de l’eau, l’aéro aborde les côtes Grandbretonnes envahies par le brouillard...